Algérie
ALGER la blanche, rafraîchie de ses volets bleus, s’offre en amphithéâtre sur la mer, avec des escaliers au fond des allées ombrées qui escaladent la pente. Derrière le contour, le balcon où Charles de Gaulle lâcha à la foule « je vous ai compris ».
Dans les toilettes de l’aéroport d’Alger, la femme qui les nettoie laisse tomber quelque chose et dit « merde ! ». Surprise mais que reste t il de la France ?
Je viens en Algérie quelques jours après le cinquantenaire des Accord d’Evian qui ont scellé le sort de la guerre d’Algérie. Quel gâchis, quelle débâcle qui accoucha d’une indépendance pourtant si nécessaire. Tous les protagonistes impuissants, jetés dans un brouhaha, une violence délétère et absurde à laquelle peu échappent.
Et Salan, bien sur, le soldat le plus décoré de France. Au milieu de la chienlit, des bombes de l’OAS qui pètent, la statue de commandeur du général dit à son quarteron de généraux félons : « l’Etat c’est moi, c’est pas vous, bande de petits cons ».
Le sang coule, mais ne sèche plus. La Méditerranée du Sud peut-elle renouer avec sa plus grande histoire ? Ne pas s’ emprisonner dans une réduction identitaire nourrie de rancoeur, mais qu’elle renoue avec l’universalité cosmopolite qui fut sienne, kabyles, berbères, phéniciens, romains, byzantins, ottomans, arabes, européens, une trame riche ourlée par les flux et reflux des passages.
Mais aujourd’hui, comme en Russie, un peuple qui mérite mieux est prisonnier de l’économie de rente car le régime qui la distribue aime ça.
L’Europe, laminée par la destruction de ses richesses dues aux mécanismes financiers kleptomaniques, va descendre. Le Maghreb s’il résout ses défis de gouvernance – Inch ‘Allah – peut monter. Il y aurait donc une rencontre plausible entre égaux qui se profile dans un futur possible de l’espace méditerranéen ; une utopie peut être, ou tous ses riverains diraient ensemble « mare nostrum » sans que cette mer n’appartienne qu’à une seule de ses rives.
Ainsi nos ports seront mieux préparés à l’arrivée des bateaux chinois, ivres de leurs cargaisons.
Ici à Boussaâda, on n’y est pas encore. La brisure de la guerre est bien réelle et il faudra sans doute laisser passer une génération pour la cicatriser. Par leur appauvrissement, les Européens feront peut-être l’apprentissage si utile de l’humilité et mieux saisir la vraie splendeur de l’Islam. Les Algériens, s’ils le veulent, peuvent échapper aux fantômes de leurs morts. Le pardon est libérateur ; il fait grandir au-delà de l’offense, fut elle mortelle.