CONSCIENCE COLLECTIVE
Épisode premier : la tentation des dominations
Les nuées d’étourneaux virevoltent avec une vélocité et une précision étonnantes. Les bancs de sardines se déplacent avec une synchronisation époustouflante pour éviter les prédateurs. Les fourmis ou les abeilles, d’autre part, répartissent les fonctions de leurs cités avec une précision de métronome helvétique. Le mystère des mouvements d’ensemble et des agrégations spontanées intrigue nos scientifiques qui, au Centre national français de la recherche scientifique notamment,(CNRS) se penchent sur ces phénomènes. Charges électriques pour les étourneaux ou codage chimique pour les fourmis, il faut savoir comment une troupe sans chef avance.
Au plan microscopique, même les bactéries forment des colonies au comportement collectif. L’intérêt pour ces phénomènes de la nature est considérablement stimulé par les révélations possibles qui s’appliqueraient au genre humain. Si une équipe peut fonctionner parfaitement sans chef et si une ensemble peut se mouvoir en complète simultanéité, les perspectives qui s’ouvrent sone grandioses … Et peut-être terrifiantes.
Les dictateurs d’antan rêvaient de cette belle uniformité, comme en font foi les chorégraphies nazies a Nuremberg, l’architecture fasciste ou le petit livre rouge de Mao. Et les généraux de tout bord ont de tout temps voulu que leurs soldats avancent comme un seul homme, en fonction d’un mécanisme d’intégration dans l’unité de combat qui supplanterait leur instinct de survie individuel.
En effet, le modèle Orwellien esquisse la caricature de cette recherche de l’unité dans l’espèce humaine. Il propose d’influencer autrui jusqu’à en obtenir un tel polissage des idées et des comportements qu’on aboutit au « brave new world ». Cette perspective engendre évidemment son contraire, la race fière des rebelles.
La menace qu’une conscience collective s’articule sous l’emprise d’un maître malfaisant est toujours là, non plus dans les idéologies défuntes du vingtième siècle mais dans le système de production dont Marx avait perçu la perversion. L’hyper capitalisme manipule le langage, les idées, les habitudes et la communication –comme disait Marcuse – pour perpétuer le cannibalism souverain des exploitants.
Et pourtant la chorégraphie de l’intégration continue de fasciner le mystique, l’esthète, le psychologue, le philosophe ou les accros de l’efficience.
Existerait-il une alternative qui soit collective au conformisme robotique ? Se dépasser sans se perdre ? Peut-on faire partie du Tout sans tomber dans la tentation totalitaire ? S’intégrer sans s’effacer dans la conformité du troupeau ?
J’ai essayé de présenter d’autres pistes dans « l’ouverture du troisième sceau » (The Breaking of the Seventh Seal). Nous pouvons résister au laminage de notre identité par une alternative qui reste collective. C’est en devenant mieux Soi même que l’on devient davantage.