CONSCIENCE COLLECTIVE II
Episode 2 : le grand malentendu
Veux tu savoir ce qu’est la Matrix? Demande Morphéus a Néo. “ c’est une prison invisible qui entoure tout le monde, une prison pour l’esprit”.
La Matrix c’est évidemment l’ Avatar cinématographique d’un concept bouddhiste, le vide, ou océan des illusions (Bhavasagara) dont le Buddha parla afin de nous enseigner comment s’en échapper. Les fils de la toile du Bhavasagara sont tendus entre trois câbles, les canaux (gunas) de la Bhagavad Gita qui se définissent comme suit : je désire, je fais, je connais. Mais visiblement nous avons perdu la recette de la délivrance. En effet comment s’enfuir, comment se libérer puisque la pensée même de le faire perpétue la paroi mouvante de la prison.
Voyons cela d’un peu plus près. Cette cage de brouillard tour à tour intime et gigantesque est un fog tri-dimensionnel : physique, émotionnel, mental. Elle nous enserre, elle s’enroule autour de tous, mais nous ne la sentons ni ne la voyons. C’est là sa spécialité.
Ce qui rend cette cage si formidable, si secrète, c’est qu’elle s’est insérée dans le regard qui aurait du la découvrir, une astuce de camouflage pratiquement imparable. Ses barreaux sont soyeux et résistants comme les fils d’une toile d’araignée. Ils sont tissés dans le constant déroulement de notre rationalisation, fondus dans nos désirs, imbriqués dans nos concepts et projections qui en résultent.
Comme Kant le disait déjà, nous ne voyons pas le monde tel qu’il est mais tel que nous le percevons. Les Modernes ont donc conclu que l’absolu n’existe plus et qu’il n’est que le flux, morphéen précisément, de nos relativités multiples. Ainsi nous capturons les paysages dans les morceaux de nos regards, nous sommes des manufactures de vérités individuelles et divergentes, des vérités qui s’entrechoquent et s’annulent l’une l’autre.
Chacune de nos projections tisse la toile, la foire aux opinions ou chaque niais peut être un maître, la grande araignée virtuelle qui nous emprisonne en douceur. Comme ces divergences se renouvellent perpétuellement, la Matrix ne peut que produire des conflits , ceux qui dévorent notre paix intérieure, ceux qui engouffrent nos sociétés ou nos pays. C’est la manière dont elle nous mange, la façon dont elle nous a fait accoucher d’une civilisation suicidaire.
Souvent, pour s’extraire de la Matrix, un fabricant de vérités, intellectuel, politicien ou mufti, tentera de promouvoir ses propres interprétations , dans un perpétuelle tentative d’ influencer la conscience collective. En ce faisant nous assumons de manière assez sotte qu’une proposition deviendra vraie si la multitude l’adopte. C’est le rêve des idéologues. Mais tout, ainsi que ces lignes mêmes retombent dans la Matrix. On ne peut sortir de la Matrix en y pensant ; c’est le grand malentendu.
Il y a un fil –encore un – conducteur celui-ci, pour trouver la lucarne de sortie. Puisque la Matrix emprisonne à la fois la conscience individuelle et la conscience collective, la grande évasion doit être … à la fois individuelle et collective.
Si vous avez participé a un très bon concert de rock, vous aurez peut être vécu le sentiment que vous avez quelque expérience de la conscience collective. Car, au fil des siècles, nous avons développé bien des sentiers pour rejoindre cette totalité qui nous hante. Mais le mode d’emploi, quel est il ?
L’ accès a la conscience collective, selon l’enseignement de Shri Mataji, est possible lorsque l’on se hisse dans la conscience méta mentale (thoughtless awareness) . S’ouvre alors l’internalisation de la conscience. Sa condition constitutive est la profondeur du coeur (Shiva tattwa), amenée par la Kundalini au niveau du cerveau dans l’immense expansion de la zone limbique ( sahasrara) où réside la conscience collective et cosmique ( Virata tattwa) .
L’égalité entre Shiva et Shakti (samaya) manifeste en nous les pouvoirs de la non dualité (advaita siddhi) et nous introduit au point de contact entre conscience individuelle et conscience cosmiqueAlors, mieux que les fourmis et les abeilles, les deux fois nés découvrent la grande unité. C’est la parousie de Teilhard de Chardin qui y voyait intuitivement la culmination de la conscience christique. Le Tout ne nous nie pas, Dieu est en nous. Ceci n’est pas une théologie. C’est une expérience et les imbéciles de tous les temps ont puni les mystiques qui la faisaient car ils menaçaient le ronron de leur médiocrité.
On arrive à ce tournant de l’histoire lorsqu’un grand nombre de personnes entrent dans la conscience collective. ( 144 000 dans l’Apocalypse, mais gageons que ce chiffre est trop modeste.) On n’y arrive pas en tentant d’influencer l’autre par l’agitation mentale, par la manipulation de l’opinion publique. Trop souvent les fantaisies d’accéder à la conscience collective nous poussent à projeter notre mental à l’extérieur, c’est-à-dire rebelote, retour à la Matrix. Nous sommes des coquilles individuelles contenant une conscience cosmique. Le grand malentendu c’est de vouloir n’être que la coquille.